comment la température de l’atmosphère du soleil peut-elle atteindre jusqu’à un million de degrés alors que celle de la surface de l’étoile est environ de 6000 °C ?
cette énigme a enfin été résolue par des chercheurs français. un nouveau modèle décrit comment des champs magnétiques , dont l’aspect rappelle les mangroves , transportent de grandes quantités d’énergie de la surface jusqu’à l’atmosphère solaire .
Au cœur du soleil , les réactions de fusion de hydrogène produisent des quantités d’ énergie phénoménales. la température y avoisine les 15 millions de degrés. elle décroit progressivement pour chuter à 6000°C à la surface de l’astre .elle devrait alors logiquement continuer à décroitre dans l’atmosphère. mais la température se remet ensuite à monter, suscitant la perplexité des scientifiques . elle atteint environ 10000 degrés dans la chromosphère ( la basse atmosphère du soleil , épaisse de 1500 kilomètres ) et plus d’un million de degrés dans la couronne ( la partie la plus externe de l’atmosphère solaire ) . « Cela veut dire qu’il y a une source d’énergie qui apporte de la chaleur et permet de maintenir la couronne à cette température élevée », souligne M. tahar Amari , directeur de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique) et coauteur de l’étude.
quelle est la source d’énergie capable de fournir et de maintenir l’atmosphère à de telles températures ? une question qui représente un des grandes problèmes de l’astrophysiques depuis un siècle , d’autant plus importante qu’elle est associée à la source du vent solaire qui parvient jusqu’à la terre.
Tahar Amari, du Centre de physique théorique et du laboratoire Astrophysique, instrumentation-modélisation, et ses collègues Jean-François Luciani et Jean-Jacques ont en partie résolu cette énigme vieille de plus de 80 ans : ils ont montré comment des champs magnétiques, qui se forment sous la surface de l’étoile, transportent l’énergie dans ces régions.
Grâce à leur travail de simulation de l’évolution d’une partie de l’intérieur et de l’extérieur du soleil, les trois chercheurs français ont compris pourquoi. « A environ 1.500 kilomètres sous la surface du Soleil, il y a une fine couche qui se comporte comme une casserole en ébullition », explique Tahar Amari, qui a fait cette découverte. « Ce potage de plasma en ébullition crée et amplifie un champ magnétique », poursuit-il. En remontant à la surface du Soleil, ce champ magnétique constitue alors une réserve d’énergie capable de chauffer les couches successives de l’atmosphère solaire
Pour être capable de chauffer si loin dans l’atmosphère solaire, cette réserve d’énergie se diffuse via une « végétation » magnétique qui se déploie telle une mangrove. « La casserole en ébullition est comme un terreau pour cette mangrove magnétique », décrypte l’astrophysicien. Ses racines s’entrechoquent et produisent une multitude de micro-éruptions, puis elles s’enchevêtrent autour de troncs d’arbres magnétiques, qui forment de grandes lignes verticales allant jusqu’à la couronne solaire.
« Lorsque les racines cognent ces troncs d’arbres, cela engendre alors des ondes magnétiques qui font remonter l’énergie le long des troncs, un peu comme un son sur une corde pincée », précise le chercheur. Et c’est la dissipation de cette énergie dans la couronne solaire qui fait grimper la température à un million de degrés, voire deux.
Tahar Amari compare cette structure à une « mangrove » où les lignes de champ de surface sont les racines et les lignes de champ verticales sont des troncs d’arbres.
Le mouvement du plasma au pied des racines conduit à des éruptions et des reconnexions magnétiques qui correspondent à la réorganisation des lignes de champ magnétique. Ce phénomène libère de l’énergie, qui chauffe la chromosphère. Les chercheurs ont calculé que le flux d’énergie dans leur modèle est de 4 500 watts par mètre carré, ce qui suffit pour expliquer la température de cette couche de l’atmosphère solaire.
Pour la couronne, un autre mécanisme entre en jeu. Lors des éruptions dans le plasma photosphérique, des ondes d’Alfvén (des vibrations du champ magnétique) se forment et se propagent suivant les lignes de champ verticales (les troncs de la mangrove). Ces ondes s’élèvent jusque dans la couronne où elles se dissipent peu à peu en chauffant l’atmosphère. Encore une fois, le flux – 300 watts par mètre carré – est compatible avec les mesures de température.
Tahar Amari se réjouit de cette découverte fondamentale. Il a, avec son équipe, coupé l’herbe sous le pied de la Nasa qui planchait elle aussi sur le mystère de la température de l’atmosphère solaire. « Ce mécanisme de chauffage de l’atmosphère participe activement à la création des vents solaires, qui se déplacent jusqu’à parvenir à la Terre. Mais les recherches doivent se poursuivre, prévient-il. Mieux nous comprenons ce phénomène, mieux nous pourrons comprendre les conséquences des vents solaires sur notre planète ».
Incidemment, ce modèle décrit certains phénomènes inexpliqués observés à la surface du Soleil, tels que des tornades ou des jets de matière nommés spicules, ou les ondes magnétiques récemment observées.
Le chauffage de l’atmosphère solaire est une question encore vivement débattue. Le modèle de Tahar Amari et de ses collègues sera analysé en détails. Par exemple, les chercheurs n’ont examiné que les régions dites calmes de la surface du Soleil. Quelle influence ont les taches solaires ? Si des points restent à éclaircir, la piste proposée dans cette étude n’en est pas moins prometteuse.
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